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Traduit en français par Mort de Bunny Monro, Nick Cave signe ici son deuxième roman. Nick Cave est un song writer bluesman écorché tout simplement génial. Ce livre en est le reflet, tout en poussant l’expérience un peu plus loin. Puissant et intense, Nick Cave joue avec nos nerfs. Tantôt hilarant, tantôt glauque, il est parfois triste et parfois violent. Sur la quatrième de couverture, Irvine Welsh suggère un triptyque pour qualifier ce roman : invitons Cormac McCarthy (auteur de La Route déjà présenté ici), Franz Kafka et Benny Hill. Et nous y sommes corps et biens.
Nick Cave a cette intensité poignante de McCarthy. On suit le père et son fils tout au long de leurs occupations respectives. L’un vendant des cosmétiques, couchant avec ses clientes au passage et fantasmant sur d’autres, s’alcoolisant toujours un peu plus et fumant cigarettes sur cigarettes. L’autre explorant le monde depuis la vielle Punto, encyclopédie à la main. Même chaotique, l’enchainement des clientes de Bunny est peut être le seul épisode de calme. Au moins, pendant ce temps, il n’arrive rien de bien grave. Du moins en apparence. Le mal qui ronge Bunny est plus profond. Plus ils prennent la route, et plus il se perd lui-même, ne sachant plus très bien ou aller. Même l’idée de retourner « à la maison » perd peu à peu de son sens.
A ce petit jeu, Bunny Junior joue le rôle de garde fou. Sans lui, Bunny aurait sans doute sombré depuis bien longtemps. Depuis le suicide de sa femme, Bunny perd peu à peu la raison. Les clientes deviennent des prétextes. Les noms s’enchainent sans qu’aucune prise ne soit possible. Jusqu’à cette apothéose en forme de procès, qui n’est pas sans rappeler l’œuvre de Kafka.
The death of Bunny Monro n’a réellement ni début ni fin. Il est ponctué de scènes absolument géniales, par ce qu’elles procurent comme sensations. Je pense par exemple à l’enterrement de Liddy. Ou à ces moments où Bunny Junior interroge son père sur leur avenir.
Même si on sait à l’avance comment leur épopée va s’achever, Nick Cave garde le suspens jusqu’au bout. Alors qu’on croit tenir le fin mot, on se rend compte que finalement l’auteur a choisi autre chose. Comme une mauvaise blague, Bunny ne peut rien faire comme les autres.
Autant le dire, je suis absolument sous le charme de ce livre, original, riche et complexe.
note :
Les Murmures.