• V for Vendetta, par Alan Moore & David Lloyd

    Bonsoir Londres. Il est neuf heure, et voici La voix du Destin… Nous sommes le cinq novembre 1997. Le peuple londonien est informé que les arrondissements de Brixton et Streatham sont placés sous quarantaine à compter d’aujourd’hui. Il vous est demandé de vous tenir éloignés de ces zones pour des raisons sanitaires et de sécurités. Tôt ce matin, la Police a inspecté dix sept maisons dans le quartier de Birmingham, révélant selon toutes vraisemblances un réseau terroriste de première importance. Vingt individus, dont huit femmes, ont été placés derrière les barreaux en attendant leur procès. La météo sera clémente jusque 12h07 jusqu’à la prochaine averse qui cessera à 1h30… Passez une agréable soirée.

    Souviens-toi, souviens-toi le 5 novembre…

    L'homme des jeux

     

     

    J’ai déjà dit tout le bien que je pensais d’Alan Moore à l’occasion d’un article sur Watchmen. Or, le L'homme des jeuxmonsieur a écrit bien d’autres chefs d’œuvre dans bien d’autres registres. Parmi ceux-ci, il y V for Vendetta. Placer « chef d’œuvre » des les trois premières lignes n’est-il pas rapide ? Pour moi, ces trois mots suffiraient à faire l’article. D’habitude, j’essaie de proposer un résumé de l’intrigue lors du petit paragraphe d’introduction. Ici, j’ai préféré vous traduire (parce que oui, ma lecture est en anglais. Je vous présente mes excuses pour ma traduction maladroite) la quatrième de couverture tant je trouve qu’elle illustre parfaitement la noirceur et la violence de cette Angleterre post-apocalyptique et dystopique.

     Dans les années 1980, les hommes se sont (encore) entretués. Les principales puissances mondiales sont décimées, la face du globe est littéralement changée. A la rigueur, pour eux, le problème est réglé. L’Angleterre n’a pas eu cette chance. Son territoire est maintenu. Son peuple en revanche subit un sort peut être pire. Dans les années 1990, un parti fascisant arrive au pouvoir. Il y instaure un régime de terreur, de censure, de contrôle des mentalités ; il impose l’uniformisation des identités et surveille, à l’aide de caméras directement placées dans les habitations, que ses ouailles filent droit. L’ambiance rappelle fortement le chef d’œuvre de George Orwell, 1984. Il ne s’agit pas pour autant de pastiche mais d’une référence assumée des auteurs. Dans les sous-sols londonien, un homme bout. Un homme, arborant le masque de Guy Fox (principal acteur de la Conspiration des poudres), passe à l’action. Il entend ramener un peu de subversion et de singularité dans l’esprit des individus. Cela commence par la destruction, et par la plantation d’une graine dans le cerveau d’une jeune fille élue un peu par hasard : Eve. Cet anarchiste n’a pas de nom. Ou il n’en a plus. Il se nomme V. Et, V, is for Vendetta. En effet, si ses intentions sont nobles, il ne revendique pas le beau rôle dans l’instauration d’une nouvelle ère. Ses manières ne valent guère mieux. Mais si l’homme peut/doit disparaitre, l’idée reste et germe.

    Encore une fois, Alan Moore fait état de son génie. On comprend sa déception à la vision de l’adaptation cinématographique de son œuvre. L’original est autrement plus violent et âpre. Aidé par le dessin de David Lloyd, auquel il faut s’habituer, mais qui en fin de compte illustre parfaitement le propos, V for Vendetta est déjà cinématographique. Les cases s’enchainent dans un dynamisme parfait ; la voix off illustre, ou non, les cases et plonge le lecteur dans un bouillonnement d’idées.

    La critique sociale est acerbe. On adhère à la vision de V, puis on se met à douter de ses intentions, de son extrémisme. Dans le fond, il a raison. Mais, quand même… Après tout, comme il le dit, il n’est qu’une pièce du puzzle. Le dessin est presque terminé. Oui, presque. Il ne l’est pas encore. Contrairement au film, et c’est une nuance importante, le peuple ne se range pas derrière V en tant que tel. Au contraire, en tant qu’individus, ils donnent un sens à leur révolte et agissent à visage découvert. L’anarchie, c’est l’absence de leader. Voir la foule arborer le masque de Guy Fox est un contre-sens par rapport au propos de la BD qui prône au contraire l’autonomie de pensée. Alan Moore et David Lloyd donnent des indices sur l’impact de V sur la société londonienne. En aucun cas, ils ne résolvent quoi que ce soit. Tout reste à faire, et à réorganiser.

     

    Note : 

     

     Les Murmures.

     

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  • Commentaires

    1
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 08:41
    Guillaume44

    Pas vu ! Pas mal de retard moi ^^

    2
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 09:15
    Pitivier

    pop pop pop.... Il faut faire très attention avec l'avis d'Alan Moore sur les adaptations cinématographiques de ses oeuvres qu'il dénigre par principe avant même de les avoir vue. Il faut savoir quand même que ce comportement systématique de l'auteur est avant tout une histoire de gros sous...

    L'origine du problème remonte au début des années 80 où Alan Moore a eu le sentiment de s'être fait mettre profond par DC et Marvel. Il faut savoir que lorsqu'un artiste travaille pour ces géants, il ne possède pas les droits des personnages qu'il peut créer. Donc lorsque Moore a compris que les droits de V et de Watchmen revenaient à DC et que lui ne toucherait pas grand chose, il l'a eu très très mauvaise. Depuis, il ne cesse de cracher sur ces grosses firmes, refuse de travailler avec elles et dénigre les adaptations ciné ( il va même jusqu'à demander à ce que son nom ne figure pas au générique) tout simplement parcequ'il ne touche pas un rond.

    Pour situer un peu le degrès de mauvaise foi du bonhomme, il possède les droits de la ligue des gentlemen extraordinaires et a donc forcemment donné sont accord pour l'adaptation cinématographique avec le résultat qu'on connait.

    Après, oui le comic est un chef d'oeuvre, oui le film est moins bien mais je l'aime quand même beaucoup et contrairement à toi, je le trouve assez fidèle au fond.

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    3
    Les-murmures
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 19:41

    Je profite de mon (cours) break pour regarder les divers commentaires.

    Merci pour cette précision Pitivier. J'avoue que je n'avais pas pris le problème dans ce sens. Il faut que je lise From Hell encore...pour pouvoir réellement comparer. Mais si les gros sous sont le fond du problème (et peut être qu'au delà de ça, il y a aussi les tensions entre majors et indépendants), les adaptations ne sont pas aussi jusqu'au boutistes que les oeuvres originales j'ai l'impression.

    Moi aussi j'aime beaucoup le film. En revanche, même si le propos est grosso modo le même, la conclusion me gêne quand même. Je persiste sur le contre sens que je vois entre quelqu'un qui revendique une autonomie de pensée et un système d'anarchie, et une masse qui arbore explicitement son masque, son symbole. La masse reste masse et V reste un leader malgré lui (ou non d'ailleurs puisqu'il tire les ficelles, il reste un leader, si ce n'est politique, d'opinion). Je trouve que la nuance est plus subtile dans le comics où [SPOILER] la passation de pouvoir de l'identité de V est plus claire. En fin de compte, derrière ce masque, il y a potentiellement une pluralité d'individus [/SPOILER]. Après, le partie pris du film est intéressant, mais ne joue pas sur le même plan. C'est aussi intéressant que la foule change "juste" de bord, et s'émancipe en tant que masse mais pas individu par individu.

    4
    Jeudi 7 Juillet 2011 à 21:45
    Pitivier

    Oui c'est clair que Alan moore n'est pas génétiquement fait pour bien s'entendre avec les majors et qu'Hollywood en général doit lui filer des boutons. Ils n'empeche que cela ne le gène pas une seconde d'avoir son nom au générique d'un navet comme la ligue des gentlemen extraordinaires alors que pour V et Watchmen, il a demandé à ce qu'il soit retiré.

    Sinon From Hell est excellent mais ne pas oublier également tout son travail chez America's Best Comics. Outre la ligue des gentlemen que tout le monde connait, il y a Tom Strong qui est une merveille. Promethea est également très bon d'après ce qu'on m'a dit.

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