• Le sommeil paradoxal, par Zinovi Iourev

    Que se passe-t-il lorsque vous faites régulièrement des rêves merveilleux et que vous vous apercevez que ces rêves, qui ont toujours lieu pendant le premier sommeil — le sommeil paradoxal — sont le moyen choisi par une civilisation extra-terrestre pour entrer en contact avec la Terre ? Comment persuader les savants... et les dirigeants de votre pays que vous n'êtes pas fou ? Et, d'ailleurs, êtes-vous le seul à communiquer ainsi ? Une rencontre est-elle possible ?

     

     

    Voici un roman bien singulier. Le moins que l’on puisse dire est qu’il ne fait pas la part belle à L'homme des jeuxl’action. Au contraire, le propos en est bien loin. Malheureusement, malgré des qualités certaines, et une maitrise de la narration d’Iourev, j’ai eu toutes les peines à me maintenir dans ce roman. Et pourtant, il n’est pas mauvais et je conçois très bien qu’on ait envie d’y revenir. 

    Tchernov est un professeur d’anglais tout ce qu’il y a de plus normal. Cela se passe plutôt bien à l’école, sa femme est aimante et jolie, ses voisins sympathiques, il a quelques amis taquins mais présents. Sa vie est réglée comme du papier à musique et cette monotonie semble lui convenir très bien. Or, voilà que d’étranges visions d’une « Planète Ambrée » lui parviennent. Et la fois suivante, et ainsi de suite. Ces visions semblent bien mettre en scène une planète atypique, dont la communication se fait par télépathie. Tchernov se persuade que cette planète existe et qu’il a été élu comme intermédiaire entre les terriens et la Planète Ambrée. Ce n’est pas son nouveau pouvoir de lecture des pensées d’autrui qui va le faire douter.

    Cependant, lui ne doute pas. Son entourage…beaucoup plus. A part son ami Ilia, étrangement ouvert. Tchernov a du batailler pour faire valoir sa Raison auprès de quelques scientifiques. Le professeur se livre, volontiers semble-t-il, à diverses expériences. Ces séances remplacent la monotonie du collège, qu’il délaisse de plus en plus. Or, on apprend à quelques dizaines de pages de la fin qu’une américaine dispose aussi de tels pouvoirs…

    Pendant tout le roman on suit le cheminement linéaire du professeur et de son entourage. Malheureusement, la vie routinière et sans aspérité du professeur transparait très bien. Autant dire qu’il ne faut pas y chercher un héros charismatique. La ballade est agréable mais un peu longue malgré de bonnes idées. Je pense notamment aux métaphores nombreuses sur l’émancipation sociale et individuelle. C’est en tout cas de cette façon que j’interprète les rêves de Tchernov.

    Cependant, quelques bémols se collent à l’ensemble. D’abord il ne faut pas être regardant sur les relations de couples et les stéréotypes des rôles hommes/femmes. Peut être est-ce une déformation professionnelle qui me surligne mentalement ce genre de choses. Ensuite, la fin parachève la portée idéologique et moralisatrice du propos. A la décharge de l’auteur, n’oublions pas que nous sommes en 1982 en URSS. Pourtant, elle est tout à fait cohérente avec le cheminement. Si j’en dis plus je dévoilerai la fin encore davantage. 

    Bref, Le sommeil paradoxal est une récréation. C’est une curiosité dont on peut tirer des satisfactions notamment pour le dépaysement apporté par le cadre soviétique. Pour autant, je pense qu’il faut vraiment avoir le goût de ce genre de littérature qui « aplatit » les quelques personnages présents.

     

    Note : (précision : il ne s'agit pas forcément d'une mauvaise note. Si l'occasion se présente, ce n'est pas du temps perdu.)

     

    Les Murmures.

     

    CITRIQ

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  • Commentaires

    1
    Mercredi 15 Juin 2011 à 21:28

    C'est vrai que trente ans après, la SF soviétique fait vraiment très exotique. Je ne sais pas si Patrice Lajoye connait ce roman...

    A.C.

    2
    Mercredi 15 Juin 2011 à 21:45

    Oui, nous l'avions chroniqué ici: http://russkayafantastika.hautetfort.com/archive/2010/01/21/zinovi-iourev-le-sommeil-paradoxal.html

    Dans le style SF de laboratoire, si cher à la SF soviétique, c'est un très bon. Mais il ne faut effectivement pas courir après l'action!

    3
    Les-murmures
    Mercredi 15 Juin 2011 à 21:52

    Je ne connais pas la SF soviétique. Autrement qu'au travers de celui ci. Il me fait plus penser aux romans d'anticipations typiques qu'à de la SF réellement où il y a une trame narrative plus "tranchée" ou dynamique.

    En tout cas, ça m'a fait découvrir Russkaya Fantastica. Et ça, c'est bien :).

    4
    Mercredi 15 Juin 2011 à 22:35

    Ah oui, c'est une bonne occasion !

    Merci en tout cas à Patrice d'être passé par ici pour nous prposer ce lien.

    A.C.

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    5
    Jeudi 16 Juin 2011 à 08:23

    Pour être plus complet que dans mon précédent commentaire, il faut juste savoir donc, qu'il a existé, durant toutes les années 60 et 70, une sorte de courant informel de SF en Union Soviétique, que j'appellerais "SF de laboratoire", digne héritière de la SF d'avant guerre avec des savants fous, sauf que là, la folie n'est pas présente. Mais bref, on y test tout un tas de trucs (duplication de soi-même pour Savtchenko dans Découverte de soi-même - http://russkayafantastika.hautetfort.com/archive/2009/07/26/vladimir-savtchenko-decouverte-de-soi-meme.html -, robotique et cultures ET chez Guennadi Gor - http://russkayafantastika.hautetfort.com/archive/2010/11/06/guennadi-gor-l-insupportable-interlocuteur.html et http://russkayafantastika.hautetfort.com/archive/2011/02/03/guennadi-gor-koumbi.html)

    C'est souvent bavard, il n'y a aucun action, et pour le coup, il faut aimer la philosophie, et notamment la philosophie appliquée aux sciences. Ces auteurs posent souvent des questions d'éthique pertinantes, et c'est pour cela que ces romans sont intéressants et souvent toujours actuels.

    Mais c'est vrai: amateurs d'action, passez votre chemin.

    6
    Les-murmures
    Jeudi 16 Juin 2011 à 12:26

    Merci pour ces explications et ces pistes !

    Indéniablement, c'est une lecture qui vaut le coup, même s'il faut bien être conscient de l'endroit où on met les yeux.

    Maintenant que j'y pense, la frilosité des scientifiques par rapport à ce phénomène atypique (donc passionant pour un scientifique en principe ?) est intéressant dans le propos du roman. Comme si la science était réfractaire au changement ou à la remise en question de ses principes...

     

    7
    Jeudi 16 Juin 2011 à 12:50

    Tout à fait: c'est quelque chose qui revient régulièrement dans ces romans, même si cela peut être traité de manière différentes, à savoir la frilosité des vieux barbons, des caciques, face aux nouvelles hypothèses. Alors on peut y voir une critique implicite du mode de fonctionnement de la science soviétique, avec ses académiciens tout-puissants et pas forcément au goût du jour; mais aussi plus généralement une critique d'un refus global de changement, d'une peur de ce qui est inconnu.

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