• Bardo or not bardo, de Antoine Volodine

    Présumant que le défunt est obligé par son karma de traverser les quarante-neuf jours du Bardo, et qu'il doit rencontrer, sur le chemin de la renaissance, de terribles visions et obstacles, un lama lit le Bardo Thödol, le Livre des morts tibétain, pour guider le mort et l'aider à triompher des dangers qui le menacent. Voilà le principe. Mais que se passe-t-il lorsque le mort refuse d'écouter les conseils qui lui sont prodigués ? Ou lorsque l'existence dans le Bardo lui plaît au point qu'il ne veuille plus en sortir ? Ou lorsque le lama, au lieu de réciter le texte sacré, se met à lire à haute voix un livre de cuisine et des poèmes ? Que se passe-t-il quand au monde des mystiques se superpose le monde des fous, des révolutionnaires ratés, des imbéciles et des sous-hommes ? L'écrivain et acteur Bogdan Schlumm, dans une solitude psychiatrique semblable à celle de l'espace noir, tente de mettre en scène les réponses à ces questions. Personne ne l'écoute. Les arbres l'entourent, les oiseaux lui fientent dessus. Il est très seul...

    Antoine Volodine a le chic pour jouer avec nos nerfs. Entre absurde, imaginaire, galerie de Salle 101personnages loufoques et situations incongrues, bien malin est celui ou celle qui parvient à dégager une vraie ligne directrice. Non pas que le livre manque de cohérence. Bien au contraire. Antoine Volodine est très méthodique lorsqu’il s’agit de donner un coup de pied dans les normes narratives. Et puis, ne parle-t-on pas de cet espace méconnu qu’est le bardo ?  

    Bardo or not bardo met en scène une série de personnages, tous confrontés à l’espace intermédiaire juste après la mort physique et juste avant la prochaine étape de leur existence sous une forme ou une autre. L’enjeu est de taille. Ou bien l’individu se déifie selon les croyances bouddhistes ou bien il se réincarne en une espèce vivante et est condamné à revivre le voyage long et douloureux de l’après-mort. Le rôle du lecteur est alors déterminant. Celui-ci doit lire Le livre des morts en y mettant suffisamment de conviction pour qu’inconsciemment, le mort suive ses préceptes. Peu conscient de ce qui lui arrive, tout ne se passe pas toujours comme prévu. En effet, autant le voyage peut être douloureux autant le défunt peut se trouver très bien dans le bardo. Il peut aussi ne pas s’en rendre compte. Sous les traits de Schlumm, l’auteur tente de percer à jour ce mystère. Sous la forme de journalistes, le narrateur commente ce qui se passe sans jamais intervenir. La démarche est didactique. Le résultat est bien sûr hypnotisant bien que peu intelligible pour nous pauvres hères. Je ne parlerai pas plus de ce Schlumm aux prénoms aussi variés que les situations qu'il explore. Cela serait gâcher la surprise.

    En quelques sortes, le lecteur se retrouve perdu au même titre que le voyageur. Notre intellect est mis à rude épreuve au gré du contexte très particulier construit par celui qui lit et celui qui entend, ou pas, la dictée. 

    Pour apprécier Bardo…, et je dirais pour apprécier à peu près toute l’œuvre d’Antoine Volodine, il est plus que nécessaire d’accepter de se perdre dans le récit. Qu’importe la destination pourvu que le voyage soit fabuleux. Et il l’est. A la manière de certains Philippe Dick (je pense à SIVA), on se ballade dans ces tableaux tantôt comiques, tantôt violents, parfois glauques et parfois, malheureusement, un peu ennuyeux. Après tout, c’est aussi un peu ça la vie.

    Ce livre en particulier n’est pas forcément mon coup de cœur pour Volodine. Personnellement je lui préfère Des enfers fabuleux (que je n’ai jamais trouvé en neuf, seulement d’occasion… à une occasion) avec lequel j’ai commencé. En revanche, Bardo or not bardo est très bien pour la découverte. L’idée de base est familière : la vie après la mort, s’il faut caricaturer. La philosophie bouddhique n’est pas la plus obscure qui soit, etc. Beaucoup plus accessible, il mobilise des références que nous pouvons retrouver relativement facilement.

     

    Note :

     

    Les Murmures.

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